Frédéric Maus et ses équipes n’ont pas attendu de retrouver la communauté de professionnels de la mode qu’ils mettent en relation durant leurs événements physiques pour répondre aux inquiétudes liées au covid-19. Ils ont réalisé un sondage pour cerner les attentes des commerçants et de leurs fournisseurs de mode.
« Nous avons tous été jetés dans le brouillard de façon très violente. Dans ce flou angoissant, je dois dire que je suis assez fier de constater que beaucoup d’acteurs de notre secteur se sont tournés vers nous. Ce n’est peut-être pas pour avoir des réponses. Personne n’en a. Mais pour être ensemble et faire bloc. Réunir les gens, c’est notre raison d’être.
Tous se demandent ce qu’ils doivent changer, ce qu’ils doivent faire pour changer. Je pense que c’est le plus gros enjeu. La question du sens avait déjà été soulevée et elle devrait être la base à partir de laquelle redémarrer. Nous en sommes sûrs : la mode de demain ne sera plus celle d’hier. La prise de conscience générale a été accélérée par la crise du covid-19.
Trouver une porte de sortie par le haut est notre objectif à tous et nous devons le faire ensemble. Nous ne pouvions pas attendre notre grand rassemblement de septembre, pendant Who’s Next, pour fédérer notre communauté. Nous sommes convaincus que nous pouvons agir même en restant chez nous. L’annonce du report de la Fashion Week masculine, ainsi que celle de la Semaine de la haute couture en juin et juillet prochain, a conforté l’idée que cette crise s’installait dans la durée. Sans pouvoir prévoir la date de reprise, il nous fallait agir et mutualiser les questions qui unissent la profession. Que faire des stocks du printemps-été 2020 ? Comment assurer sa trésorerie ? Qu’en sera-t-il des collections de l’automne-hiver 2020-21 ?
De visioconférences en échanges téléphoniques, nous avons répondu à l’appel de Patrick Aboukrat (fondateur des boutiques Abou D'Abi Bazar), Loic Rouault (agent showroom Mathom) et Gary Silvestre Siaz (agent G2S Agency). Ils voulaient savoir si leurs confrères partageaient le même point de vue qu’eux afin que tout le monde avance dans la même direction. Les Fédérations des détaillants de la chaussure, ceux de la maroquinerie, ainsi que les Fédérations française du prêt-à-porter féminin (Ffpapf) et de l’habillement (Fnh), se sont joints à nous afin d’organiser une grande enquête.
Véritable caisse de résonnance du marché, menée auprès de 4.735 personnes, elle révèle les attentes du secteur. Sans surprise, elle montre l’urgence des décisions à prendre à court terme concernant la règlementation des soldes et l’encadrement des promotions. Elle fait craindre aussi un risque de défaillances élevé, notamment dans le commerce de proximité indépendant. Les trois quarts des répondants aux sondages sont des gérants de boutiques indépendantes. Ils sont 88 % à souhaiter un décalage de la date de débuts des soldes. 70 % sont même favorables à un report de 4 à 8 semaines. Débordés par les stocks, confrontés à de graves problèmes de trésorerie et encore peu équipés en solutions digitales, tous appellent à l’aide auprès des pouvoirs publics.
Il faut revenir à une harmonie avec les saisons et donc avec la nature. Par exemple recevoir de l'hiver en début d'hiver et non au mois de juillet. « Un report des soldes à la fin de la saison » est une phrase qui est souvent ressortie pendant l’enquête. Les pure players font beaucoup de mal aux boutiques physiques qui ont plus de charges et moins de visibilité. Une taxe serait souhaitée pour cette concurrence déloyale.
Révision des cycles saisonniers d’achat, de vente et de soldes, transition numérique, relocalisation, éco-responsabilité et sensibilisation du consommateur sont des enjeux clairement identifiés par les professionnels du secteur. Ils sont directement liés aux décisions à prendre à court terme.
Je dois avouer que le nombre de participations et de partages a dépassé nos attentes. La conclusion de cet état des lieux de la communauté mode est qu’elle est évidemment bousculée, mais qu’elle recherche des solutions. Elle n’est pas du tout résignée. Au-delà des chiffres, une nouvelle phase d’interprétation aura lieu. Charge à nous de lire entre les lignes, d’apporter des solutions concrètes pour que chacun saisisse l’opportunité qu’il aura à transformer son business vers une mode qui a du sens. »
Article du 23 avril 2020