Un premier trimestre mauvais pour les cardiaques chez Kering. Pour le mois de janvier, «avant la propagation de l’épidémie», François-Henri Pinault, le Pdg, évoque un démarrage de l’activité « exceptionnel ». Février a été « plus contrasté compte tenu des fermetures de boutiques en Asie-Pacifique ». Le mois de mars a été « très affecté » par « les fermetures graduelles de boutiques en Europe et aux États-Unis, l’interruption des flux touristiques et la mise à l’arrêt partiel de l’appareil productif et logistique en fin de période ».
Au premier trimestre 2020, les ventes totales du groupe ont du coup chuté de 16% en comparable, à 3,2 milliards d’€. Le décrochage est brutal après la hausse de 13% en 2019. Jusqu’alors dopé par Gucci, Kering n’a pas pu compter sur sa locomotive. L’irruption du covid-19 a enrayé une mécanique du succès jusqu’alors bien huilée.
Le retournement a été particulièrement violent pour la griffe aux 2 G, en chute libre de 23% à 1,8 milliards d’€ (-24% dans les magasins en propre). Certes, au premier trimestre, « les bases de comparaison » étaient « très élevées ». Mais après « un excellent démarrage de l’année » en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest, l’élan de la maison a été brutalement freiné en février par les effets du confinement en Asie-Pacifique, puis, dans le monde, auprès de la clientèle touristique chinoise. Laquelle pèse lourd dans son activité. L’affaissement des ventes de 20% dans le gros s’explique à la fois « par la fermeture du centre logistique du groupe fin mars et par une distribution plus sélective ».
« La réouverture en Chine continentale de la plupart des magasins à partir de courant mars », chez Gucci ainsi que dans les autres maisons, est une lueur d’espoir.
L’envol de Bottega Veneta
Aux antipodes de Gucci, Bottega Veneta a continué sa trajectoire de relance, que le virus n’a pas remise en cause. Déjà en progression 2% en 2019, la marque florentine s’est envolée au premier trimestre de 8,5%, à 273,7 millions d’€. Les collections dessinées par Daniel Lee, arrivé à la direction artistique en juin dernier, commencent à faire mouche. Dans le gros, les ventes ont explosé de 55%, « grâce à un carnet de commandes très élevé pour les collections du printemps-été 2020 sur des bases de comparaison favorables, malgré une capacité de livraison réduite à la fin du trimestre ». Bottega Veneta a aussi réussi à stabiliser (-0,9%) les ventes de son réseau. En plein essor en Amérique du Nord (+31%) et en Europe de l’Ouest (+25%), l’activité a cependant décrû en Asie-Pacifique et au Japon.
Les autres griffes de Kering ont accusé le coup de la pandémie pendant les trois premiers mois de 2020. Le chiffre d’affaires d’Yves Saint Laurent a reculé de 14% (-18% dans son réseau, -6% dans le gros), à 434,6 millions d’€. Moins exposée aux marchés asiatiques et servie par « un bon début de trimestre en Europe de l’Ouest et Amérique du Nord », la griffe a cependant moins souffert que Gucci.
Les « autres maisons » (Couture et Maroquinerie, Horlogerie et Joaillerie) sauvent encore davantage les meubles, avec un recul limité de 5%, à 553 millions d’€. Les griffes du pôle Couture et Maroquinerie se montrent particulièrement résilientes, avec, chez Balenciaga et Alexander McQueen, des ventes en gros à la hausse et des « tendances plus favorables dans leurs réseaux en Europe de l’Ouest et aux États-Unis », qui « compensent presque l’évolution négative en Asie-Pacifique et au Japon ». Le pôle Horlogerie et Joaillerie a été, en revanche, touché de plein fouet par la crise, et s’affiche en retrait.
Bouffée d’oxygène
De façon générale, dans l’ensemble du groupe, l’e-commerce a été une bouffée d’oxygène, avec une hausse trimestrielle de 21%. Sans toutes ses maisons et tous les pays, Kering a déployé des plans de « continuité d’activité en termes de ressources humaines, de gestion des stocks, de logistique, de merchandising ». Il a aussi serré les coûts « afin d’être idéalement positionné lorsque l’activité pourra reprendre à pleine capacité ». Les dirigeants se mettent aussi à la diète. François-Henri Pinault a réduit son salaire fixe de 25% du 1er avril à la fin 2020. Avec Jean-François Palus, le directeur général délégué, ils renoncent à la totalité de leur rémunération variable annuelle 2020. La rétribution des administrateurs sera aussi rognée d’environ un tiers.
Le groupe et ses griffes ont multiplié les initiatives solidaires pour lutter contre le covid-19 : dons en Chine à la Hubei Red Cross Foundation, en France à l’Institut Pasteur, en Italie à des fondations hospitalières, aux Etats-Unis à la CDC Foundation, production et dons de masques chirurgicaux et blouses médicales… Enfin, autre particularité en cette période exceptionnelle : la prochaine assemblée générale des actionnaires de Kering se déroulera le 16 juin prochain à huis-clos.
Article du 23 avril 2020