Se poser pour mieux sauter. La stratégie du groupe Devernois pourrait se résumer par cette formule. Début février, le tribunal de commerce de Roannes a prononcé le redressement judiciaire de Devernois SA et de sa filiale de distribution Sofrade. Cette procédure, assortie d’une période d’observation de six mois, a été sollicitée par la direction afin de «s’adapter à la conjoncture que le groupe traverse», résume le président Thierry Brun. La démarche est d’ailleurs soutenue «à l’unanimité» par les représentants du personnel des entreprises concernées. Elle doit permettre à la marque de mode féminine de s’organiser pour «affronter les vents contraires» et «continuer à s’adapter à un marché qui évolue très rapidement». En d’autres termes pour trouver un traitement de choc à la crise sanitaire qui a contrarié sa relance.
Une relance bien entamée…
Les difficultés de Devernois n’ont pas attendu le covid-19. Un marché de l’habillement en baisse, les « gilets jaunes » et les grèves l’ont affaiblie dès 2018. Engagée dans un plan de transformation confié au cabinet Prosphères jusqu’en 2019, l’entreprise créée en 1927 par Claudius Devernois a entamé une profonde remise à plat. «Nous avons recentré l’activité sur des formats de distribution rentables», rappelle le président de la chaîne. La refonte des collections et un recentrage sur le savoir-faire de l’entreprise, le tricotage, ont également été menés, avec notamment la marque de maille haut de gamme Claudius puis la ligne Maille de Luxe. «Ce plan a produit ses effets dès le second semestre 2019 avec le retour d’une progression significative de chiffre d’affaires à magasin comparable.» Selon les prévisions, le retour à une rentabilité positive devait se concrétiser en 2020. C’était sans compter la crise sanitaire et les trois mois de fermetures administratives.
…mais contrariée par le covid
Le premier confinement, qui a entraîné la fermeture de l’intégralité du réseau physique, soit 70 magasins en France et 10 à l’étranger, a eu un fort impact sur nous». « Mais au vu du redressement déjà engagé (…) et de ses résultats, nous avons obtenu le soutien de nos partenaires.» Durant ce printemps inédit, le groupe a décroché auprès de ses banques, de Bpifrance et de son actionnaire principal, un financement de 3,7 millions d’€ «afin de compenser la perte de trésorerie subie ».
Mais le second confinement de novembre a tout mis à mal. Il s’est révélé plus «dévastateur» car suivi de mesures de couvre-feu, d’abord régionales puis nationales, et du décalage des soldes d’hiver. Le groupe a alors subi une perte supplémentaire de 2 millions d’€, justifiant la requête auprès du tribunal de commerce. Cette procédure n’affecte pas les autres sociétés du groupe, notamment les branches de Devernois au Portugal, en Espagne, en Belgique et en Suisse. «Elles poursuivent leurs activités normalement», précise Thierry Brun.
Dès à présent et durant le prochaine semestre, la direction et les administrateurs judiciaires assurent qu’ils vont «examiner toutes les solutions» conciliant poursuite de l’activité et sauvegarde de l’emploi. «Nous sommes tous motivés pour cela», assure le président, bien décidé à ce que la marque puisse souffler ses cent bougies.
Stéphanie Athané
Article du 10 février 2021