« Prospecter de nouveaux marchés serait malvenu »
Yann Chareton est le directeur général de la marque-enseigne de prêt-à-porter homme, femme et enfant Hartford.
«L’international représente une grosse moitié de notre chiffre d’affaires. Notre marque est diffusée auprès de 1200 clients multimarques, dont 700 à l’export, et ce dans une trentaine de pays. Nous avons neuf succursales en France. Les Etats-Unis sont notre premier débouché à l’étranger, devant l’Italie, l’Espagne et la Grande-Bretagne. Soit les pays les plus touchés par le covid-19. Nous sommes aussi un peu présents en Asie, pas du tout en Chine mais en Corée, au Japon, à Hong Kong et à Singapour. Dans ces derniers, tous les magasins n’ont pas fermé.
Dans nos marchés outre-Atlantique et en Europe, nous travaillons beaucoup avec des clients présents dans des zones touristiques (Baléares, sud de l’Italie, Floride…). Or, ils ignorent quand ils pourront rouvrir et seront extrêmement impactés par la paralysie des voyages. Les Etats-Unis vont tout particulièrement souffrir, même s’ils sont davantage en avance qu’en Europe en matière de vente à distance. Parmi nos 120 clients américains, ils sont une trentaine à nous avoir demandé d’être livrés en avril chez eux ou dans leurs magasins. Le propriétaire ou responsable du magasin commercialise en effet des articles via un mini-site de vente créé sur Internet, ou via Instagram. Il peut encore faire de la vente par téléphone ou sur rendez-vous auprès de son listing de clients. Cela lui permet de maintenir une petite activité.
D’une façon générale, prospecter de nouveaux marchés et clients serait aujourd’hui malvenu. D’ailleurs, je ne connais pas une boutique dans le monde qui soit florissante. Notre priorité est donc de gérer la crise et de consolider les relations avec nos clients. Ils sont en effet très inquiets, à la fois pour des questions de trésorerie dans l’immédiat et ensuite pour la reprise. Dans un pays comme l’Espagne, les soldes sont, par exemple, bien plus libéralisées que chez nous. Le redémarrage sera donc plus difficile pour les commerçants indépendants. En France, nous avons la chance d’être mieux aidés que beaucoup de nos clients à l’international, en bénéficiant de prêts garantis ou de l’assurance crédit Coface. Nous allons donc pouvoir leur proposer davantage de facilités de crédit.
Nous avions déjà livré nos clients de la majorité de notre collection d’été quand le confinement a démarré. Pour ce qui reste à livrer, nous essayons de trouver des solutions pour que ceux qu’on doit encore approvisionner acceptent la livraison. Quitte à payer plus tard. Nous-mêmes avons déjà tout réglé. Si les boutiques sont fermées, toute la chaîne est touchée. Nous réfléchissons aussi à l’idée de diminuer la production et les commandes d’hiver pour compenser.
Nous travaillons depuis des années avec des partenaires forts et fidèles. L’idée est de les aider au mieux à franchir ce cap en sachant qu’on ne peut pas non plus tout supporter, dans la mesure où notre activité est aussi à l’arrêt. »
Témoignage du 23 avril 2020