«Une catastrophe». L’annonce a déclenché l’ire du secteur de la distribution. Malgré les mesures d’aides aux entreprises mises en place par le gouvernement, cette nouvelle fermeture forcée risque d’avoir des conséquences désastreuses pour les acteurs de la distribution, à la veille de la période cruciale des fêtes de fin d’année.
Mauvais timing
“Le secteur s’apprête à vivre un véritable cauchemar avant Noël. Cela va provoquer des dégâts inouïs et coûter de nombreux emplois, causant un impact significatif sur l’économie et la viabilité de nombreux distributeurs avec seulement un effet minimal sur la transmission du virus”, regrette Helen Dickinson, la dirigeante du British Retail Consortium.
Lors du premier confinement, les distributeurs avaient perdu 1,7 milliards d’€ de ventes chaque semaine. L’impact risque d’être bien plus important cette fois, alors que se profile la période vitale de Noël. “Cette décision ne peut pas tomber à un pire moment Elle peut coûter la vie à de nombreux petits distributeurs qui sont déjà en mode de survie”, se désole la British Independent Retailers Association. Les commerces britanniques pourraient accuser une chute drastique de fréquentation de 79% en novembre et de plus de 80% en décembre, en cas de prolongement du confinement, présage Springboard.
Les distributeurs se préparent à une fin d’année chaotique. Selon GlobalData, le marché de l’habillement britannique pourrait s’affaisser de 31% en 2020. Primark estime ainsi que la fermeture forcée de 57% de ses magasins devrait engendrer des pertes colossales de 416 millions d’€. Le distributeur, qui n’est pas présent en ligne, a fait état d’une chute de 24% de son chiffre d’affaires lors de son exercice annuel clos en septembre. Depuis la réouverture de ses magasins, ses ventes européennes sont en baisse de 17% à parc comparable. De son côté, Marks & Spencer a plongé dans le rouge, avec des pertes avant impôts de 97,6 millions d’€ pour son exercice semestriel clos fin septembre. Ses ventes d’habillement et produits pour la maison ont décliné de 41%.
Conséquence inévitable de ce nouveau confinement, l’e.commerce va exploser. En septembre, les ventes en lignes de produits non-alimentaires ont déjà progressé de 37% selon l’Office for National Statistics. Pour Springboard, deux tiers des consommateurs britanniques auraient t déjà l’intention de dépenser en ligne en cette fin d’année. “Les pureplayers seront les grands gagnants et les distributeurs multiréseaux avec une forte offre en ligne, comme Next, seront aussi bien positionnés”,estime GlobalData. Les distributeurs risquent, en outre, de se livrer “à une bataille effrénée de remises pour tenter d’écouler leurs stocks”.
Lente convalescence
Alors que le secteur déjà fragilisé commençait péniblement à sortir la tête de l’eau, cette annonce lui assène le coup de grâce. Selon l’Ons, les ventes ont repris doucement de la vigueur entre août et septembre, avec une progression de 1,5% en volume. En septembre, l’habillement restait le secteur le plus touché, avec des niveaux de vente toujours 13% inférieurs à ceux de février. En octobre, les ventes non-alimentaires étaient 1,7% au-dessus des niveaux pré-covid, dopées par la décoration et les produits pour la maison. La fréquentation des rues commerçantes demeurait, quant à elle, toujours en berne, en baisse de plus d’un tiers par rapport à l’année précédente.
L’Épée de Damoclès du Brexit
A ce tableau déjà apocalyptique s’ajoute l’échéance imminente des négociations autour du Brexit, dont l’issue demeure toujours incertaine. “Avec ou sans accord, nos relations avec notre plus gros marché d’exportation va changer de manière dramatique”, met en garde Adam Mansel, le directeur de UK Fashion and Textile Association.
Englués dans la crise sanitaire, de nombreux marques et distributeurs n’ont pas eu le temps de se préparer pour la fin de la période de transition. Ils devront pourtant faire face à des futurs tarifs douaniers et des “procédures administratives complexes”. Même en cas d’accord, des règles strictes relatives aux origines des produits seraient appliquées à l’entrée de l’Union européenne, avec l’introduction inévitable de taxes. “Un no-deal serait la pire décision pour les distributeurs, engendrant des dysfonctionnements dans les chaînes d’approvisionnement et une hausse incontrôlée des coûts et des tarifs”, martèle le Brc.
Delphine Arbonne, à Londres