«J’espère que cela fonctionnera.» Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a intérêt à ce que son vœu soit exaucé. En décidant de décaler de deux semaines le calendrier des soldes, du 20 janvier au 16 février, le gouvernement a affiché un réel parti pris. Il a tendu la main aux commerçants de proximité, acculés par la crise sanitaire et par quatre mois de fermeture administrative. Ces quinze jours supplémentaires doivent permettre aux indépendants «d’écluser leur stock au prix le plus intéressant pour eux», a souligné Bruno Le Maire. Autrement dit, sans trop recourir aux rabais, grignoteurs de marge.
Vendre «au juste prix» leur laisse une chance de renflouer au maximum leur trésorerie. «C’est un facteur déterminant pour la poursuite de l’activité, le paiement des fournisseurs et l’achat des prochaines collections. C’est toute une chaîne à l’équilibre fragile qui est en jeu», a argué, quelques jours plus tôt, la Fnh (Fédération nationale de l’habillement) pour convaincre le gouvernement de ce report. La Confédération des commerçants de France (Cdf) et les Camf (Commerçants et artisans des métropoles de France) ont également soutenu cette demande, osant même rêver d’un décalage au 27 janvier.
La Saint-Valentin condamnée
Les petits commerçants se réjouissent d’avoir pour une fois terrassé Goliath en obtenant que le gouvernement les écoute «à nouveau (…) et non uniquement le grand commerce qui a intégré les promotions et rabais dans son mode de fonctionnement depuis longtemps», dixit les Camf et Cdf. Ils y voient une chance supplémentaire de sauver une activité essentielle pour la vie des territoires. Pourtant, c’est avec les mêmes arguments que les opposants ont critiqué ce report de calendrier.
De l’Alliance du commerce à la Fédération du commerce spécialisé (Procos) en passant par les représentants des centres commerciaux (Cncc), la Fédération de la franchise (Fff), celle du commerce coopératif (Fca) et même du sport (Union sport & cycle), de nombreuses organisations ont immédiatement dénoncé ce choix. Selon elles, agiter dès que possible la carotte des bonnes affaires est essentiel pour attirer le consommateur, écouler les stocks «actuellement à un niveau exceptionnellement élevé» et «reconstituer la trésorerie». Là où les indépendants évoquent le souhait de ne pas grever leur marge pour retrouver des liquidités, eux misent sur les volumes. Le compromis semble impossible.
Ils avaient aussi à cœur de ne pas condamner les autres périodes commerciales de ce début d’année, à commencer par la Saint-Valentin qui se retrouve prise dans ce nouveau calendrier des soldes.
Une nouvelle menace
L’objectif est permettre à de nombreux détaillants, quelle que soit leur taille, de passer le cap de 2021, malgré un passif très lourd. Selon le panel Procos, les enseignes spécialisées de l’équipement de la personne ont enregistré une chute de 83% de leurs ventes en novembre, lors de la deuxième fermeture administrative. Pour l’équipement de la maison, le recul était un peu moindre, à -50%. «Aucune de ces activités ne pourra rattraper en décembre les pertes de novembre», ajoute la fédération. Le décalage du Black Friday, parfois en demi-teinte, les gestes du gouvernement sur les chèques cadeaux et la prime de Noël attribués aux ménages les plus modestes pourraient toutefois donner un coup de pouce au dernier mois de l’année.
L’activité de la première semaine post-réouverture a cependant été plus lente à reprendre qu’au printemps. Depuis quelques jours, l’effervescence des fêtes se réveille dans plusieurs commerces, mais de nouvelles craintes se font jour. Face à un ralentissement insuffisant des contaminations, le gouvernement pourrait reculer le déconfinement total de la population, voire décider d’un couvre-feu qui serait mortifère pour les points de vente physiques. Surtout si, comme certaines rumeurs le laissent entendre, il se tient dès la fin d’après-midi, un créneau horaire pendant lequel beaucoup font leurs achats en sortant du travail. Le spectre d’un troisième pic, voire d’un troisième confinement sévère, est également présent. Il pourrait contrarier le début d’année ainsi que le rétablissement des entreprises, rendant presque caduc le débat sur la bonne date des soldes d’hiver.
Stéphanie Athané
Article du 8 décembre 2020