On avait pu mettre l’excellent accueil du premier cru virtuel de la haute couture, en juillet dernier, sur le compte de la nouveauté. En visionnant la deuxième salve de présentations des collections haute couture exclusivement en ligne, c’est confirmé : la créativité audiovisuelle fait aussi partie de la palette des couturiers. Depuis lundi 25 janvier, se succèdent les shows numériques des membres de la Chambre syndicale de la haute couture. Les dix couturiers, leurs cinq membres correspondants (statut réservé aux couturiers étrangers Giorgio Armani, Valentino, Fendi, Iris Van Herpen et Viktor&Rolf) et les treize membres invités, ont été contraints de ne se produire que sur écran. Dès les premières minutes, avec le film surréaliste de Schiaparelli puis le conte fantastique de Dior, ou encore avec la balade onirique dans les fractales de haute technologie d’Iris Van Herpen, les mobinautes fans de mode ont émis leur verdict : le coup d’essai de juillet dernier est transformé haut la main.
Arrière-boutique
Certains, tel Julien Fournié ou Alber Elbaz, pour le grand dévoilement de son univers AZ Factory, avaient prévu de privilégier ce mode d’expression. S’arrêter, zoomer, disséquer chaque scène. Les internautes peuvent s’aventurer dans les arrière-boutiques, pénétrer dans les ateliers, parfois entrer dans les têtes des créateurs, ou du moins circuler dans les mêmes allées, suivre le cheminement d'idées... A l’inverse d’un défilé de silhouettes qui passent à toute vitesse, un film permet de dévoiler beaucoup plus de choses, malgré la distance et l’écran interposé. Et il compense finalement assez bien le manque du grand moment de partage et d’émotion du défilé.
On a ainsi pu déambuler dans le Palazzo Orsini de Milan, qui abrite depuis les années 1990 le siège de l’empire de Giorgio Armani. Comme pour Valentino sous les dorures d’un palais, ou Alexis Mabille dans un hôtel particulier parisien, les nouveautés du printemps-été 2021 défilent à une cadence et sous une forme moins linéaire. Des travellings et mouvements de caméras rythment les présentations de toilettes et robes du soir. Il y a un côté moins monotone. La transparence des mousselines, la finesse des voiles, qui ne se devinent qu’à peine, depuis le premier rang et a fortiori, du haut des tribunes, sont ici en vedette. La méticulosité des borderies et des dessins floraux ou graphiques, celle des incrustations de perles et de pierres, sautent aux yeux. La justesse des découpes et des assemblages, la complexité des montages et les jeux d’oppositions dans les volumes et les proportions semblent évidents. Comme certains détails, telle la tirette dorée pour fermer soi-même le zip dans le dos d’une robe chez AZ Factory, tout cela serait peut-être passé inaperçu au cours d’un « simple » défilé.
Un spectacle flamboyant
La saison n’en reste pas moins flamboyante et très spectaculaire. La haute couture est le lieu de toutes les expérimentations et l’endroit où l’excellence des savoir-faire des petites mains peut exploser au grand jour. Le format numérique tend à dicter un contenu plus spectaculaire. Le cru du printemps-été 2021 le confirme. Les brassées de fleurs, les graphismes en 3D, les effets de manches et les volumes très recherchés, pour une silhouette ultra-féminine prennent fort bien la lumière.
Isabelle Manzoni
Article du 27 janvier 2021