«Comme les Français, les commerces n’en peuvent plus ! » L’Alliance du Commerce ne cache pas son désarroi face aux nouvelles mesures décidées la semaine dernière par le gouvernement. Après avoir plané au-dessus de 110.000 commerces, le troisième confinement -qui ne dit pas son nom et a été décrété sur 16 départements, dont ceux des Hauts-de-France et d’Ile-de-France- ne concerne désormais « plus que » 90.000 points de vente. En incluant, précise Bercy, les «25.000 commerces déjà fermés dans les centres commerciaux sur l’ensemble du territoire national».
A la différence des fermetures administratives de novembre, certaines catégories comme les coiffeurs, les disquaires et les fleuristes ont été ajoutées à la liste des « essentiels ». Mais les détaillants d’habillement restent, eux, cantonnés dans la partie des « non-essentiels ». Certains estiment que «c’est un coup de massue injustifié» et un « étau qui se resserre toujours sur les mêmes», alors que d’autres jugent la distinction «aussi incompréhensible économiquement qu’inacceptable socialement».
Ainsi, les distributeurs de mode enfantine réclament d’être jugés de «première nécessité», puisqu’il faut bien habiller les enfants qui grandissent et s’équiper pour accueillir les nouveaux-nés. Parmi les meneurs figure Idkids. Le groupe nordiste Idkids, qui possède des enseignes de mode (Obaïbi, Okaïdi, Jacadi) et de jeux (Oxybul éveil & jeux), est touché de plein fouet. Son appel, relayé via le hashtag #essentielpourlenfant, avait déjà été lancé en vain lors du deuxième confinement. Il espère cette fois-ci avoir gain de cause. Mais rien n’est moins sûr, même si le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a laissé entendre que la liste des commerces, à fermer ou pas, pouvait encore évoluer.
Fermé 1 jour sur 3 depuis un an
Ces mesures restrictives, qui s’ajoutent au couvre-feu, même reculé d’une heure, pourrait entraîner une casse dépassant largement l’univers de l’enfant. Tous les représentants du commerce en général et de l’habillement en particulier agitent le chiffon rouge après cet énième arrêt d’activité, que ne compense pas le recours au click & retrait. D’autant qu’il n’est pas autorisé pour les boutiques des centres commerciaux clos.
«Les risques de voir des commerçants jeter l’éponge et fermer le rideau sont forts», préviennent une nouvelle fois le Cdcf (Conseil du commerce de France) et le réseau de Cci France (Chambre de commerce et d’industrie), tandis que l’Alliance du Commerce égraine des données édifiantes. «Certains commerces sont déjà fermés depuis presque 50 jours en 2021 et totaliseront près de 80 jours de fermeture au 15 avril», date estimée de la fin du troisième confinement. «En ajoutant les 100 jours de fermeture en 2020, les commerces les plus touchés auront été fermés près de 40% du temps depuis le début de la crise, soit plus d’un jour sur trois. Comment ces entreprises pourront-elles survivre à de telles restrictions ? »
Pour y remédier, le gouvernement planche sur un nouveau train de mesures, qui devrait être annoncé dans les prochains jours. Un élargissement des conditions d’éligibilité au fonds de solidarité et une couverture des charges fixes devraient être annoncés. La problématique des stocks qui s’accumulent depuis un an doit aussi être abordée, via un assouplissement temporaire des règles de la vente à perte et/ou un dédommagement de la dépréciation subie. Pierre Goguet, le président de Cci France, et son homologue du Cdcf, William Koeberlé, appellent, eux, à voir plus loin via «un plan de relance du commerce, massif».
La mode abandonnée
Et quid du reste du territoire, là où la pression et les indicateurs sanitaires sont moins forts, voire décroissants ? Alors que l’Etat laisse entendre que quelques nouveaux départements sous surveillance pourraient basculer vers ce troisième confinement, il ne dit rien sur l’éventuelle levée ou allègement des mesures dans les autres départements. Les représentants professionnels réclament donc que soit permise au plus vite, « la levée de rideau (…) dans les régions où l’épidémie est pratiquement inexistante ou sous contrôle.» Sous peine de «conséquence irrémédiable» sur ces distributeurs mais aussi sur un plus large pan de la filière.
Plusieurs fédérations et unions du secteur de la mode, dont l’Union Française des Industries Mode et Habillement (Ufimh) et la Fédération français du prêt-à-porter féminin (Ffpapf), se sont ainsi émues auprès de Bercy de voir le secteur de la mode, pourtant «stratégique», être ainsi abandonné. Selon Pierre-François Le Louët, le président de la Ffpapf, ces nouvelles mesures aggravent la situation du secteur qui a déjà subi un recul de la consommation et des exportations de 15% «dont on ne mesure aujourd’hui que les premiers effets en terme de disparition d’enseignes et de fragilisation de nos entreprises». «Si rien n’est fait dans les prochains jours», nombre d’entre elles «ne seront plus là le jour de la reprise ».
Stéphanie Athané
Article du 24 mars 2021